Rassemblement sur la voie publique: Que dit la Loi ?
Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public.
Un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure.
Le fait, pour celui qui n’est pas porteur d’une arme, de continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
L’infraction définie au premier alinéa est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsque son auteur dissimule volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifié.
Articles L. 211-1 à 4 du code de la sécurité intérieure : sont soumis à l’obligation d’une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d’une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique. Toutefois, sont dispensées de cette déclaration les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux. Les réunions publiques sont régies par les dispositions de l’article 6 de la loi du 30 juin 1881.
Le non-respect de cette obligation de déclaration ou d’une interdiction de manifester fait l’objet de sanctions prévues par l’article 431-9 du code pénal :
« Est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait :
> d’avoir organisé une manifestation sur la voie publique n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration préalable dans les conditions fixées par la loi ;
> d’avoir organisé une manifestation sur la voie publique ayant été interdite dans les conditions fixées par la loi ;
> d’avoir établi une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l’objet ou les conditions de la manifestation projetée. »
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Manifestations sur la voie publique
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Manifestations illicites et participation délictueuse à une manifestation ou à une réunion publique
Organisation de rassemblements sur la voie publique
Tout cortège, défilé, rassemblement, manifestation sur la voie publique doit faire l’objet d’une déclaration préalable. Celle-ci est à adresser aux administrations suivantes :
- Mairie de la commune ou mairies des différentes communes sur le territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu
- Préfecture de département (préfecture de police dans les Bouches-du-Rhône) lorsque l’événement doit avoir lieu sur le territoire de communes où la police nationale est compétente (communes chefs-lieux de département et autres communes fixées par décret ou arrêté ministériel. Il est recommandé de se renseigner auprès de sa commune).
La déclaration préalable doit préciser les informations suivantes :
- Coordonnées de l’association à l’initiative de la manifestation (nom, adresse, téléphone, nom et adresse du représentant légal)
- Nom, prénom, adresse (et moyens de contact : numéro de téléphone, adresse mail) des organisateurs de la manifestation
- Objet de la manifestation
- Lieu(x) de la manifestation
- Date et heures de début et de fin
- Itinéraire si la manifestation implique le déplacement de personnes (défilé, cortège)
- Estimation du nombre de participants attendus
- Descriptif des dispositifs de sécurité mis en place
- Particularités de la manifestation (déploiement de banderoles, installation d’une sonorisation, etc.)
La déclaration doit être signée par au moins un des organisateurs de l’événement.
Un modèle de déclaration est disponible :
La déclaration doit être faite au moins 3 jours francs (Jour qui dure de 0h à 24h. Un délai ainsi calculé ne tient pas compte du jour de la décision à l’origine du délai, ni du jour de l’échéance. Si le délai s’achève un samedi ou un dimanche, il est reporté au lundi. Si le délai s’achève un jour férié, il est reporté d’un jour. Ainsi, par exemple, si un délai s’achève un samedi et le lundi suivant est un jour férié, il est reporté au mardi. et au maximum 15 jours francs) avant la date de l’événement.
L’autorité publique (maire ou préfet) vérifie que vous respectez les points suivants :
- Vous avez pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des personnes et des biens (relation avec les pompiers, mise en place éventuelle d’un poste de secours,…).
- Vous vous êtes assurés que les installations prévues (tentes, enceintes, gradins, scènes, manèges,…) répondent aux obligations légales et réglementaires de sécurité.
- Vous avez souscrit les assurances nécessaires en cas de mise en jeu de votreresponsabilité.
- Vous avez prévu, si nécessaire, les mesures utiles pour remettre en état la voie publique à l’issue de l’événement.
L’administration peut demander des modifications (horaires, parcours,…). Elle peut également apporter son soutien technique (prêt de matériel, mise à disposition de personnels techniques, prêt de salles,…). Les forces de police ou de gendarmerie peuvent contribuer à la concrétisation des dispositifs de sécurité.
Si le maire ou le préfet estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l’ordre public, elle l’interdit par un arrêté qu’elle notifieFormalité par laquelle un acte de procédure ou une décision est porté à la connaissance d’une personne immédiatement aux signataires de la déclaration.
Le maire transmet, dans les 24 heures, la déclaration au préfet de département. Il y joint, éventuellement, une copie de son arrêté d’interdiction.
Le préfet de département peut également interdire, pendant les 24 heures qui précèdent la manifestation et jusqu’à dispersion, le port et le transport, sans motif légitime, d’objets pouvant constituer une arme sur les lieux de la manifestation, les lieux avoisinants et leurs accès.
La contestation d’une interdiction s’effectue par le biais d’un référé-injonction (aussi appelé référé conservatoire). Celui-ci permet l’examen du recours en moins de 48 heures. La contestation doit être faite par écrit, argumentée et adressée au juge des référés.
Les faits suivants sont punis par des peines pouvant aller jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende :
- Organisation d’une manifestation sur la voie publique sans déclaration
- Organisation d’une manifestation ayant été interdite
- Établissement d’une déclaration préalable incomplète ou inexacte
MODÈLES DE CONTESTATION
Il convient d’utiliser ce modèle si votre avis de verbalisation indique un lieu ou un horaire ne correspondant pas à l’interdiction prévue par l’arrêté cité sur votre avis. Principe : lorsque ce n’est pas interdit, il n’y a pas d’infraction.
Vous devez donc vérifier pour chaque arrêté (voir ci-dessous les arrêtés) que le lieu où vous êtes censé avoir manifesté, tel qu’indiqué sur votre avis de verbalisation,
ainsi que l’heure, entre bien dans le périmètre et l’horaire de l’arrêté
(vous avez l’indication de l’arrêté applicable sur votre avis de verbalisation).
Ce modèle générique peut être utilisé pour toutes les dates.
Pour les personnes qui sont renvoyées devant le tribunal, vous avez des conclusions à déposer en modèle.
Association : modèle de déclaration préalable d’une manifestation sur la voie publique
Organisation de rassemblements sur la voie publique
POINT DROIT
ATTROUPEMENT – ORDRE DE DISPERSION
Nombre de manifestations se terminent par des sommations, dont le texte a été modifié récemment(1) :
1° Annonce : « Attention ! Attention ! Vous participez à un attroupement. Obéissance à la loi. Vous devez vous disperser et quitter les lieux »
2° « Première sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux »
3° « Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux ».
Quel est le sens de ces sommations ?
• On fait le Point : Tout d’abord, si vous entendez ces sommations, émises par haut-parleur par le/la responsable représentant l’autorité civile(2) , portant une écharpe ou un brassard tricolore(3) , cela signifie que celui-ci/celle-ci a estimé que la manifestation était devenue un attroupement, car l’ordre de se disperser ne peut être donné que contre un attroupement4 .
Qu’est-ce qu’un attroupement ?
Il est défini par l’article 434-3 du code pénal :
« Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public. »
Une manifestation est définie par la Cour de cassation comme :
(1) Décret n°2021-556 du 5 mai 2021. Article R.211-11 du code de la sécurité intérieure (CSI). A défaut de pouvoir utiliser un haut-parleur, l’annonce ou les sommations peuvent être remplacées ou complétées par le lancement d’une fusée rouge
(2) Enumération des personnes compétentes à l’article L.211-9 du code de la sécurité intérieure (CSI) :
« 1° Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police ;
2° Sauf à Paris, le maire ou l’un de ses adjoints ;
3° Tout officier de police judiciaire responsable de la sécurité publique, ou tout autre officier de police judiciaire. »
(3) Article R.211-12 CSI
(4) Même article L.211-9 CSI Point droit publié le 4 octobre 2022
POINT DROIT
ATTROUPEMENT – ORDRE DE DISPERSION
Nombre de manifestations se terminent par des sommations, dont le texte a été modifié récemment(1) :
1° Annonce : « Attention ! Attention ! Vous participez à un attroupement. Obéissance à la loi. Vous devez vous disperser et quitter les lieux »
2° « Première sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux »
3° « Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux ».
Quel est le sens de ces sommations ?
• On fait le Point : Tout d’abord, si vous entendez ces sommations, émises par haut-parleur par le/la responsable représentant l’autorité civile(2) , portant une écharpe ou un brassard tricolore(3) , cela signifie que celui-ci/celle-ci a estimé que la manifestation était devenue un attroupement, car l’ordre de se disperser ne peut être donné que contre un attroupement4 .
Qu’est-ce qu’un attroupement ?
Il est défini par l’article 434-3 du code pénal :
« Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public. »
Une manifestation est définie par la Cour de cassation comme :
(1) Décret n°2021-556 du 5 mai 2021. Article R.211-11 du code de la sécurité intérieure (CSI). A défaut de pouvoir utiliser un haut-parleur, l’annonce ou les sommations peuvent être remplacées ou complétées par le lancement d’une fusée rouge
(2) Enumération des personnes compétentes à l’article L.211-9 du code de la sécurité intérieure (CSI) :
« 1° Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police ;
2° Sauf à Paris, le maire ou l’un de ses adjoints ;
3° Tout officier de police judiciaire responsable de la sécurité publique, ou tout autre officier de police judiciaire. »
(3) Article R.211-12 CSI
(4) Même article L.211-9 CSI Point droit publié le 4 octobre 2022
« tout rassemblement, statique ou mobile, sur la voie publique d’un groupe organisé de personnes aux fins d’exprimer collectivement et publiquement une opinion ou une volonté commune »(5)
La différence entre une manifestation, pour laquelle prime le principe de liberté, et un attroupement, qui peut être dispersé, est donc très vague car elle ne repose que sur l’existence d’un risque de trouble à l’ordre public.
Pourtant, la Cour de cassation a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire contestant la légalité de cette définition(6) .
Quelles sont les conséquences des sommations ?
On refait le Point :
Les sommations ont pour but d’engager les manifestant.es à se disperser, c’est-à-dire à quitter les lieux de la manifestation. A défaut, et après un laps de temps nécessaire pour permettre aux personnes de se désolidariser du rassemblement, il sera possible aux forces de l’ordre de considérer que celles et ceux qui persistent à rester sur place commettent le délit de participation volontaire à un attroupement(7) .
Cela ouvre la possibilité pour les policier.es ou les gendarmes de :
– Faire usage de la force pour disperser l’attroupement(8) ; pour l’usage des grenades et de leur lanceur(9) , la dernière sommation doit d’abord être répétée : « Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux » 10 .
– Interpeller celles et ceux qui commettent ce délit flagrant et les placer en garde à vue(11).
(5) Crim. 9 février 2016, n° 14-82.234, Bull. crim. n° 35
(6) Crim. 25 février 2014, n°13-90.039 QPC, Bull. crim. n°55
(7) Article 431-4 du code pénal (CP) : peine encourue d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende Attention, il existe des circonstances aggravantes : participation à un attroupement avec dissimulation volontaire du visage, 3 ans d’emprisonnement et 45.000€ d’amende (article 431-4 alinéa 2) ; en étant porteur ou porteuse d’une arme (par nature), 5 ans d’emprisonnement et 75.000€ d’amende, article 431-5 CPP. Il s’agit bien évidemment d’une arme par nature, voir l’article 132-75 CP alinéa 1.
(8) Article 431-3 CP : « Un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure ».
Rappelons que seule l’autorité civile peut qualifier le rassemblement d’attroupement (article L.211-9 CSI précité).
(9) Entrant dans le champ d’application de l’article R.311-2 et autorisés par décret, voir l’article D.211-17 CSI
(10) Article R. 211-16 CSI. Répétée par haut-parleur ou le lancement d’une fusée rouge.
(11) Article 73 du code de procédure pénale (CPP) : possibilité d’appréhender toute personne commettant un délit fragrant passible d’emprisonnement pour la conduire devant l’officier de police judiciaire le/la plus proche. Et sur la garde à vue : article 62-2 CPP, lorsqu’il existe une raison plausible de soupçonner la commission d’un délit passible d’emprisonnement.
Quel est le but (officiel) du placement en garde à vue pour attroupement ?
Officiellement, la garde à vue est tournée vers ses suites judiciaires : il s’agit d’interroger la personne en vue de déterminer s’il existe des éléments suffisants pour envisager des poursuites devant le tribunal correctionnel (s’agissant d’un délit), ou si, en opportunité, le ou la procureur.e de la République décide d’une alternative aux poursuites ou d’un classement sans suite(12) . Nombre de gardes à vue semblent pourtant dictées par la volonté d’extraire certain.es de la manifestation(13)…
Peut-on passer devant le tribunal correctionnel en comparution immédiate(14) pour un délit de participation volontaire à un attroupement ?
La question se pose parce que la Cour de cassation l’a qualifié de délit politique(15) et qu’en ce cas, il n’est normalement pas possible de faire l’objet d’une comparution immédiate ni d’une convocation par procès-verbal(16).
Cependant, la loi du 10 avril 2019 a ouvert cette possibilité(17).
Il est donc possible d’être déféré.e devant le ou la procureur.e de la République pour être jugé.e rapidement(18).
Mais il est également possible que le ou la procureur.e choisisse de ne pas vous poursuivre et de seulement prendre une alternative aux poursuites, comme un rappel à la loi, qu’il ou elle peut assortir d’une obligation de ne pas paraître dans tel lieu pendant un maximum de six mois(19).
Dans tous les cas, voyez avec votre avocat.e en garde à vue ou au moment des poursuites(20) si vous pouvez développer des moyens de défense.
En revanche, la composition pénale ne peut pas être prononcée s’agissant d’un délit politique car l’article 431-8-1 CP ne vise pas l’article 41-2 CPP dans les exceptions procédurales. Or, ce texte exclut expressément son application aux délits politiques.
Comment se défendre en cas de poursuites pour attroupement ?
(12) Article 40-1 CPP
(13) https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/05/EUR2117912020FRENCH.pdf
(14) C’est un des modes de poursuites possibles devant le tribunal correctionnel, celui qui est le plus rapide (défèrement juste après une garde à vue, par exemple) et qui a souvent pour effet un choix de peine plus lourde. Il est possible de demander un délai pour se défendre, avec le risque d’un placement en détention provisoire demandé par le parquet. Voir le guide du manifestant. https://site.ldh-france.org/paris/nos-outils/guide-dumanifestant/
(15) Crim. 28 mars 2017, n°15-84.940, Bull. crim. n°82
(16) Article 397-6 CPP
(17) Article 431-8-1 CP. Loi n°2019-290 du 10 avril 2019 – art.7. La LDH et le SAF avaient appelé à manifester contre le projet de loi.
(18) Voir le guide du manifestant.
(19) Voir également le guide du manifestant. Article 41-1 1° et 7°CPP. La loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 a modifié le rappel à la loi à compter du 1er janvier 2023, cela deviendra un avertissement probatoire.
(20) Vous n’aurez pas d’assistance d’un.e avocat.e au moment du rappel à la loi, simple alternative aux poursuites. Voyez avec votre avocat.e au moment de la garde à vue en ce cas. Point droit publié le 4 octobre 2022 •
On refait le Point :
Le délit de participation à un attroupement est un délit intentionnel. Il faut donc que le ministère public démontre que les sommations ont été suffisamment audibles pour que vous puissiez les entendre là où vous vous trouviez. Ou qu’il a été tiré une fusée rouge en remplacement de l’annonce et/ou de chaque sommation(21).
Mais il faut aussi que les forces de l’ordre vous aient laissé le temps et la possibilité de quitter la manifestation. Tel n’est pas le cas lorsqu’il est procédé à une nasse.
Il a ainsi été jugé que la relaxe par la cour d’appel d’une personne poursuivie pour participation volontaire à un attroupement était justifiée car :
« il ne peut être reproché à Mme X… de ne pas avoir obtempéré aux sommations puisque la localisation des lieux et la disposition des forces de l’ordre positionnées de chaque côté de la rue de Strasbourg et qui réalisaient un quadrillage destiné à contrôler l’identité de toutes les personnes présentes, ne permettaient pas à l’intéressée de partir, peu important qu’elle ait été interpellée presque une heure trente après les sommations puisque le groupe était statique et immobilisé depuis 17 heures 30 ; que les juges concluent qu’il n’est pas suffisamment établi que le prévenu a bénéficié de la possibilité de quitter l’attroupement après les sommations ; que dès lors, l’infraction reprochée n’est pas caractérisée »(22).
Ensuite, il faut qu’il y ait réellement un attroupement.
La Cour de cassation a jugé que les juges judiciaires devaient examiner si les conditions légales de l’attroupement étaient réunies(23) . Il n’est pas possible de considérer par exemple, qu’une manifestation sans déclaration préalable est ipso facto un attroupement24 . Et rappelons que la participation à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction(25).
(21) Article R.211-11 CSI. Trois tirs de fusée rouge remplacent l’annonce et les deux sommations.
(22) Crim. 23 janvier 2019, n°18-81.219 ; voir également Crim. 31 octobre 2018, n°18-81.220
(23) Crim. 25 février 2014, n°13-90.039, Bull. crim. n°55 : « les termes du premier alinéa de l’article 431-3 du code pénal, qui définit l’attroupement comme un rassemblement de personnes susceptible de troubler l’ordre public, sont suffisamment clairs et précis pour que l’interprétation de ce texte, qui entre dans l’office du juge pénal, puisse se faire sans risque d’arbitraire ».
(24) Voir le rapport de l’Observatoire parisien sur la manifestation Pont de Sully du 28 juin 2019 CEDH 7 octobre 2008, n°10346/05, §36, Éva Molnár c. Hongrie : La Cour européenne des droits de l’Homme juge que disperser une manifestation spontanée « au seul motif que l’obligation de déclaration préalable n’a pas été respectée et sans que les participants se soient comportés d’une manière contraire à la loi constitue une restriction disproportionnée à la liberté de réunion pacifique (Bukta et autres, précité, §§ 35 et 36). Il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion telle qu’elle est garantie par l’article 11 de la Convention ne soit pas vidée de son contenu (Nurettin Aldemir et autres c. Turquie, précité, § 46) ». Certes, elle engage les participant.es à respecter les règles démocratiques dans la mesure du possible. Mais elle admet que les autorités publiques puissent avoir connaissance d’une manifestation par d’autres canaux que la déclaration formelle, comme exigé par le droit, ce qui permet d’assurer le bon déroulement de l’événement (voir CEDH 5 mars 2009, n°31684/05, Barraco c. France, §45).
(25) Crim. 8 juin 2022, n°21-82.451 ; Crim. 14 juin 2022, n°21-81.054 : aucune « disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée ». Voir notre Point Droit d’aide à la Point droit publié le 4 octobre 2022
Tel n’est pas non plus le cas lorsque la manifestation dépasse l’heure prévue de dispersion telle qu’indiquée sur la déclaration, y compris en période d’état d’urgence sanitaire(26).
Tous ces exemples correspondent pourtant à des observations de terrain, où des ordres de dispersion ont été donnés alors qu’il n’existait pas de « risque de trouble à l’ordre public » autre que celui résultant de l’exercice normal de la liberté de manifestation. Pire, des sommations ont pu être effectuées, justifiant formellement l’emploi de gaz lacrymogènes et de grenades offensives ou de désencerclement, alors que les manifestant.es étaient nassé.es (27) et dans l’impossibilité de se disperser.
Rappelons que la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé que :
Un rassemblement terni par des actes de violence isolés n’est pas automatiquement considéré comme un événement non pacifique qui perd la protection offerte par l’article 11.
« Une personne ne cesse pas de jouir du droit à la liberté de réunion pacifique en raison d’actes de violence sporadiques ou d’autres actes répréhensibles commis par d’autres personnes au cours de la manifestation,
dès lors que les intentions ou le comportement de l’individu en question demeurent pacifiques(28).
Et les États doivent tolérer des perturbations mineures de la vie quotidienne, notamment de la circulation routière(29) .
Tant que les désordres sont peu importants, la protection de l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales sur la liberté
de réunion pacifique empêche de considérer qu’il puisse y avoir un attroupement au sens du droit pénal.
Il est donc important de pouvoir obtenir des informations sur la manifestation au moment de l’interpellation. contestation d’une amende forfaitaire pour participation à une manifestation interdite et sa distinction avec une manifestation non déclarée. https://site.ldh-france.org/paris/files/2022/07/Contestation-de-verbalisationpour-rassemblement-interdit-juillet-2022.pdf
(26) Voir la note d’observation de l’Observatoire parisien du 17 novembre 2020.
(27) Voir le rapport sur la manifestation de la place d’Italie du 16 novembre 2019, démontrant l’existence d’une nasse. Deux des organisateurs et organisatrice de cette manifestation pour l’anniversaire des gilets jaunes, Patricia Ludosky et Faouzi Lellouche, ont ainsi pu porter plainte contre le préfet de police et se constituer parties civiles, pour privation de liberté par personne dépositaire de l’autorité publique et entrave à la liberté de manifester. L’affaire est en cours d’instruction. Voir également le rapport Nasse et autres encerclements. Contrôler, réprimer, intimider. Printemps 2019 – automne 2020. https://site.ldh-france.org/paris/observatoirespratiques-policieres-de-ldh/7263-2/
(28) CEDH 5 janvier 2016, n°74568/12, §99, Frumkin c. Russie ; voir également CEDH 26 avril 1991, n°11800/85, §53, Ezelin c. France ;
(29) CEDH 5 mars 2009, n°31684/05, §43, Barraco c. France : « La Cour reconnaît que toute manifestation dans un lieu public est susceptible de causer un certain désordre pour le déroulement de la vie quotidienne, y compris une perturbation de la circulation, et qu’en l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion ne soit pas dépourvue de tout contenu (Achouguian c. Arménie, n°33268/03, § 90, 17 juillet 2008, et Oya Ataman c. Turquie, n°74552/01, § 42, CEDH 2006) ». Dans cette affaire, l’opération escargot sur une autoroute avait trop duré pour être admise, le requérant ayant déjà pu exprimer ses opinions.
Et il pourrait être demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur la définition de l’attroupement, particulièrement ambiguë,
-cette juridiction étant sensible à la réitération des recours et du questionnement citoyen(30).
Rappelons par ailleurs que « l’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés,
soit contre les personnes, soit contre les biens » (31). Il peut cependant exercer une action récursoire(32) contre les auteur.es du dommage.
(30) Voir par exemple la décision de renvoi d’une QPC sur la motivation des déclarations de culpabilité des arrêts de cour d’assises, après de nombreux refus de renvoi, s’expliquant par le nombre de demandes formulées et les critiques doctrinales. La Cour de cassation a ainsi jugé que : « la question fréquemment invoquée devant la Cour de cassation et portant sur la constitutionnalité des dispositions susvisées dont il se déduit l’absence de motivation des arrêts de cour d’assises statuant, avec ou sans jury, sur l’action publique présente un caractère nouveau » (Crim. 19 janvier 2011, n°10-85.159 QPC). Le caractère « nouveau » ne s’applique pourtant qu’à la norme de référence constitutionnelle et non à la loi contrôlée.
(31) Article L.211-10 CSI
(32) C’est-à-dire que l’État peut demander à l’auteur ou l’autrice de l’infraction, le remboursement des sommes versées aux personnes ayant subi des violences ou des dégradations de biens, en réparation de leur dommage.
Source: https://www.ldh-france.org/
POINT DROIT
ATTROUPEMENT – ORDRE DE DISPERSION
Nombre de manifestations se terminent par des sommations, dont le texte a été modifié récemment(1) :
1° Annonce : « Attention ! Attention ! Vous participez à un attroupement. Obéissance à la loi. Vous devez vous disperser et quitter les lieux »
2° « Première sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux »
3° « Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux ».
Quel est le sens de ces sommations ?
• On fait le Point : Tout d’abord, si vous entendez ces sommations, émises par haut-parleur par le/la responsable représentant l’autorité civile(2) , portant une écharpe ou un brassard tricolore(3) , cela signifie que celui-ci/celle-ci a estimé que la manifestation était devenue un attroupement, car l’ordre de se disperser ne peut être donné que contre un attroupement4 .
Qu’est-ce qu’un attroupement ?
Il est défini par l’article 434-3 du code pénal :
« Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public. »
Une manifestation est définie par la Cour de cassation comme :
(1) Décret n°2021-556 du 5 mai 2021. Article R.211-11 du code de la sécurité intérieure (CSI). A défaut de pouvoir utiliser un haut-parleur, l’annonce ou les sommations peuvent être remplacées ou complétées par le lancement d’une fusée rouge
(2) Enumération des personnes compétentes à l’article L.211-9 du code de la sécurité intérieure (CSI) :
« 1° Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police ;
2° Sauf à Paris, le maire ou l’un de ses adjoints ;
3° Tout officier de police judiciaire responsable de la sécurité publique, ou tout autre officier de police judiciaire. »
(3) Article R.211-12 CSI
(4) Même article L.211-9 CSI Point droit publié le 4 octobre 2022
« tout rassemblement, statique ou mobile, sur la voie publique d’un groupe organisé de personnes aux fins d’exprimer collectivement et publiquement une opinion ou une volonté commune »(5)
La différence entre une manifestation, pour laquelle prime le principe de liberté, et un attroupement, qui peut être dispersé, est donc très vague car elle ne repose que sur l’existence d’un risque de trouble à l’ordre public.
Pourtant, la Cour de cassation a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire contestant la légalité de cette définition(6) .
Quelles sont les conséquences des sommations ?
On refait le Point :
Les sommations ont pour but d’engager les manifestant.es à se disperser, c’est-à-dire à quitter les lieux de la manifestation. A défaut, et après un laps de temps nécessaire pour permettre aux personnes de se désolidariser du rassemblement, il sera possible aux forces de l’ordre de considérer que celles et ceux qui persistent à rester sur place commettent le délit de participation volontaire à un attroupement(7) .
Cela ouvre la possibilité pour les policier.es ou les gendarmes de :
– Faire usage de la force pour disperser l’attroupement(8) ; pour l’usage des grenades et de leur lanceur(9) , la dernière sommation doit d’abord être répétée : « Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux » 10 .
– Interpeller celles et ceux qui commettent ce délit flagrant et les placer en garde à vue(11).
(5) Crim. 9 février 2016, n° 14-82.234, Bull. crim. n° 35
(6) Crim. 25 février 2014, n°13-90.039 QPC, Bull. crim. n°55
(7) Article 431-4 du code pénal (CP) : peine encourue d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende Attention, il existe des circonstances aggravantes : participation à un attroupement avec dissimulation volontaire du visage, 3 ans d’emprisonnement et 45.000€ d’amende (article 431-4 alinéa 2) ; en étant porteur ou porteuse d’une arme (par nature), 5 ans d’emprisonnement et 75.000€ d’amende, article 431-5 CPP. Il s’agit bien évidemment d’une arme par nature, voir l’article 132-75 CP alinéa 1.
(8) Article 431-3 CP : « Un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure ».
Rappelons que seule l’autorité civile peut qualifier le rassemblement d’attroupement (article L.211-9 CSI précité).
(9) Entrant dans le champ d’application de l’article R.311-2 et autorisés par décret, voir l’article D.211-17 CSI
(10) Article R. 211-16 CSI. Répétée par haut-parleur ou le lancement d’une fusée rouge.
(11) Article 73 du code de procédure pénale (CPP) : possibilité d’appréhender toute personne commettant un délit fragrant passible d’emprisonnement pour la conduire devant l’officier de police judiciaire le/la plus proche. Et sur la garde à vue : article 62-2 CPP, lorsqu’il existe une raison plausible de soupçonner la commission d’un délit passible d’emprisonnement.
Quel est le but (officiel) du placement en garde à vue pour attroupement ?
Officiellement, la garde à vue est tournée vers ses suites judiciaires : il s’agit d’interroger la personne en vue de déterminer s’il existe des éléments suffisants pour envisager des poursuites devant le tribunal correctionnel (s’agissant d’un délit), ou si, en opportunité, le ou la procureur.e de la République décide d’une alternative aux poursuites ou d’un classement sans suite(12) . Nombre de gardes à vue semblent pourtant dictées par la volonté d’extraire certain.es de la manifestation(13)…
Peut-on passer devant le tribunal correctionnel en comparution immédiate(14) pour un délit de participation volontaire à un attroupement ?
La question se pose parce que la Cour de cassation l’a qualifié de délit politique(15) et qu’en ce cas, il n’est normalement pas possible de faire l’objet d’une comparution immédiate ni d’une convocation par procès-verbal(16).
Cependant, la loi du 10 avril 2019 a ouvert cette possibilité(17).
Il est donc possible d’être déféré.e devant le ou la procureur.e de la République pour être jugé.e rapidement(18).
Mais il est également possible que le ou la procureur.e choisisse de ne pas vous poursuivre et de seulement prendre une alternative aux poursuites, comme un rappel à la loi, qu’il ou elle peut assortir d’une obligation de ne pas paraître dans tel lieu pendant un maximum de six mois(19).
Dans tous les cas, voyez avec votre avocat.e en garde à vue ou au moment des poursuites(20) si vous pouvez développer des moyens de défense.
En revanche, la composition pénale ne peut pas être prononcée s’agissant d’un délit politique car l’article 431-8-1 CP ne vise pas l’article 41-2 CPP dans les exceptions procédurales. Or, ce texte exclut expressément son application aux délits politiques.
Comment se défendre en cas de poursuites pour attroupement ?
(12) Article 40-1 CPP
(13) https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/05/EUR2117912020FRENCH.pdf
(14) C’est un des modes de poursuites possibles devant le tribunal correctionnel, celui qui est le plus rapide (défèrement juste après une garde à vue, par exemple) et qui a souvent pour effet un choix de peine plus lourde. Il est possible de demander un délai pour se défendre, avec le risque d’un placement en détention provisoire demandé par le parquet. Voir le guide du manifestant. https://site.ldh-france.org/paris/nos-outils/guide-dumanifestant/
(15) Crim. 28 mars 2017, n°15-84.940, Bull. crim. n°82
(16) Article 397-6 CPP
(17) Article 431-8-1 CP. Loi n°2019-290 du 10 avril 2019 – art.7. La LDH et le SAF avaient appelé à manifester contre le projet de loi.
(18) Voir le guide du manifestant.
(19) Voir également le guide du manifestant. Article 41-1 1° et 7°CPP. La loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 a modifié le rappel à la loi à compter du 1er janvier 2023, cela deviendra un avertissement probatoire.
(20) Vous n’aurez pas d’assistance d’un.e avocat.e au moment du rappel à la loi, simple alternative aux poursuites. Voyez avec votre avocat.e au moment de la garde à vue en ce cas. Point droit publié le 4 octobre 2022 •
On refait le Point :
Le délit de participation à un attroupement est un délit intentionnel. Il faut donc que le ministère public démontre que les sommations ont été suffisamment audibles pour que vous puissiez les entendre là où vous vous trouviez. Ou qu’il a été tiré une fusée rouge en remplacement de l’annonce et/ou de chaque sommation(21).
Mais il faut aussi que les forces de l’ordre vous aient laissé le temps et la possibilité de quitter la manifestation. Tel n’est pas le cas lorsqu’il est procédé à une nasse.
Il a ainsi été jugé que la relaxe par la cour d’appel d’une personne poursuivie pour participation volontaire à un attroupement était justifiée car :
« il ne peut être reproché à Mme X… de ne pas avoir obtempéré aux sommations puisque la localisation des lieux et la disposition des forces de l’ordre positionnées de chaque côté de la rue de Strasbourg et qui réalisaient un quadrillage destiné à contrôler l’identité de toutes les personnes présentes, ne permettaient pas à l’intéressée de partir, peu important qu’elle ait été interpellée presque une heure trente après les sommations puisque le groupe était statique et immobilisé depuis 17 heures 30 ; que les juges concluent qu’il n’est pas suffisamment établi que le prévenu a bénéficié de la possibilité de quitter l’attroupement après les sommations ; que dès lors, l’infraction reprochée n’est pas caractérisée »(22).
Ensuite, il faut qu’il y ait réellement un attroupement.
La Cour de cassation a jugé que les juges judiciaires devaient examiner si les conditions légales de l’attroupement étaient réunies(23) . Il n’est pas possible de considérer par exemple, qu’une manifestation sans déclaration préalable est ipso facto un attroupement24 . Et rappelons que la participation à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction(25).
(21) Article R.211-11 CSI. Trois tirs de fusée rouge remplacent l’annonce et les deux sommations.
(22) Crim. 23 janvier 2019, n°18-81.219 ; voir également Crim. 31 octobre 2018, n°18-81.220
(23) Crim. 25 février 2014, n°13-90.039, Bull. crim. n°55 : « les termes du premier alinéa de l’article 431-3 du code pénal, qui définit l’attroupement comme un rassemblement de personnes susceptible de troubler l’ordre public, sont suffisamment clairs et précis pour que l’interprétation de ce texte, qui entre dans l’office du juge pénal, puisse se faire sans risque d’arbitraire ».
(24) Voir le rapport de l’Observatoire parisien sur la manifestation Pont de Sully du 28 juin 2019 CEDH 7 octobre 2008, n°10346/05, §36, Éva Molnár c. Hongrie : La Cour européenne des droits de l’Homme juge que disperser une manifestation spontanée « au seul motif que l’obligation de déclaration préalable n’a pas été respectée et sans que les participants se soient comportés d’une manière contraire à la loi constitue une restriction disproportionnée à la liberté de réunion pacifique (Bukta et autres, précité, §§ 35 et 36). Il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion telle qu’elle est garantie par l’article 11 de la Convention ne soit pas vidée de son contenu (Nurettin Aldemir et autres c. Turquie, précité, § 46) ». Certes, elle engage les participant.es à respecter les règles démocratiques dans la mesure du possible. Mais elle admet que les autorités publiques puissent avoir connaissance d’une manifestation par d’autres canaux que la déclaration formelle, comme exigé par le droit, ce qui permet d’assurer le bon déroulement de l’événement (voir CEDH 5 mars 2009, n°31684/05, Barraco c. France, §45).
(25) Crim. 8 juin 2022, n°21-82.451 ; Crim. 14 juin 2022, n°21-81.054 : aucune « disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée ». Voir notre Point Droit d’aide à la Point droit publié le 4 octobre 2022
Tel n’est pas non plus le cas lorsque la manifestation dépasse l’heure prévue de dispersion telle qu’indiquée sur la déclaration, y compris en période d’état d’urgence sanitaire(26).
Tous ces exemples correspondent pourtant à des observations de terrain, où des ordres de dispersion ont été donnés alors qu’il n’existait pas de « risque de trouble à l’ordre public » autre que celui résultant de l’exercice normal de la liberté de manifestation. Pire, des sommations ont pu être effectuées, justifiant formellement l’emploi de gaz lacrymogènes et de grenades offensives ou de désencerclement, alors que les manifestant.es étaient nassé.es (27) et dans l’impossibilité de se disperser.
Rappelons que la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé que :
Un rassemblement terni par des actes de violence isolés n’est pas automatiquement considéré comme un événement non pacifique qui perd la protection offerte par l’article 11.
« Une personne ne cesse pas de jouir du droit à la liberté de réunion pacifique en raison d’actes de violence sporadiques ou d’autres actes répréhensibles commis par d’autres personnes au cours de la manifestation,
dès lors que les intentions ou le comportement de l’individu en question demeurent pacifiques(28).
Et les États doivent tolérer des perturbations mineures de la vie quotidienne, notamment de la circulation routière(29) .
Tant que les désordres sont peu importants, la protection de l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales sur la liberté
de réunion pacifique empêche de considérer qu’il puisse y avoir un attroupement au sens du droit pénal.
Il est donc important de pouvoir obtenir des informations sur la manifestation au moment de l’interpellation. contestation d’une amende forfaitaire pour participation à une manifestation interdite et sa distinction avec une manifestation non déclarée. https://site.ldh-france.org/paris/files/2022/07/Contestation-de-verbalisationpour-rassemblement-interdit-juillet-2022.pdf
(26) Voir la note d’observation de l’Observatoire parisien du 17 novembre 2020.
(27) Voir le rapport sur la manifestation de la place d’Italie du 16 novembre 2019, démontrant l’existence d’une nasse. Deux des organisateurs et organisatrice de cette manifestation pour l’anniversaire des gilets jaunes, Patricia Ludosky et Faouzi Lellouche, ont ainsi pu porter plainte contre le préfet de police et se constituer parties civiles, pour privation de liberté par personne dépositaire de l’autorité publique et entrave à la liberté de manifester. L’affaire est en cours d’instruction. Voir également le rapport Nasse et autres encerclements. Contrôler, réprimer, intimider. Printemps 2019 – automne 2020. https://site.ldh-france.org/paris/observatoirespratiques-policieres-de-ldh/7263-2/
(28) CEDH 5 janvier 2016, n°74568/12, §99, Frumkin c. Russie ; voir également CEDH 26 avril 1991, n°11800/85, §53, Ezelin c. France ;
(29) CEDH 5 mars 2009, n°31684/05, §43, Barraco c. France : « La Cour reconnaît que toute manifestation dans un lieu public est susceptible de causer un certain désordre pour le déroulement de la vie quotidienne, y compris une perturbation de la circulation, et qu’en l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion ne soit pas dépourvue de tout contenu (Achouguian c. Arménie, n°33268/03, § 90, 17 juillet 2008, et Oya Ataman c. Turquie, n°74552/01, § 42, CEDH 2006) ». Dans cette affaire, l’opération escargot sur une autoroute avait trop duré pour être admise, le requérant ayant déjà pu exprimer ses opinions.
Et il pourrait être demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur la définition de l’attroupement, particulièrement ambiguë,
-cette juridiction étant sensible à la réitération des recours et du questionnement citoyen(30).
Rappelons par ailleurs que « l’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés,
soit contre les personnes, soit contre les biens » (31). Il peut cependant exercer une action récursoire(32) contre les auteur.es du dommage.
(30) Voir par exemple la décision de renvoi d’une QPC sur la motivation des déclarations de culpabilité des arrêts de cour d’assises, après de nombreux refus de renvoi, s’expliquant par le nombre de demandes formulées et les critiques doctrinales. La Cour de cassation a ainsi jugé que : « la question fréquemment invoquée devant la Cour de cassation et portant sur la constitutionnalité des dispositions susvisées dont il se déduit l’absence de motivation des arrêts de cour d’assises statuant, avec ou sans jury, sur l’action publique présente un caractère nouveau » (Crim. 19 janvier 2011, n°10-85.159 QPC). Le caractère « nouveau » ne s’applique pourtant qu’à la norme de référence constitutionnelle et non à la loi contrôlée.
(31) Article L.211-10 CSI
(32) C’est-à-dire que l’État peut demander à l’auteur ou l’autrice de l’infraction, le remboursement des sommes versées aux personnes ayant subi des violences ou des dégradations de biens, en réparation de leur dommage.
Source: https://www.ldh-france.org/